Interview de Sidonie, jeune femme autiste de 24 ans

Autisme au Féminin :

Découvrez le témoignage de Sidonie

A 24 ans, Sidonie est en deuxième année d’études d’ergothérapie en Norvège. Elle vit dans le Nord de la Norvège depuis 2021, un pays qu’elle affectionne particulièrement.

A quel âge as-tu été diagnostiquée et qu’est-ce qui t’a mené à un diagnostic ?

J’ai eu un pré-diagnostic à 20 ans et un diagnostic officiel à l’âge de 23 ans.

A partir du lycée, j’avais beaucoup de soucis puis j’ai fait une dépression. Je ne me sentais pas à ma place avec les autres. J’ai vu plusieurs psychologues ainsi qu’un psychiatre mais qui ne m’ont pas convenue. J’avais un mal-être depuis longtemps : J’ai subi du harcèlement en primaire et au lycée mais je n’en avais jamais parlé.  A 19 ans, j’étais en colère contre les médecins qui n’ont pas cherché plus loin pour comprendre l’origine de ma dépression. Un jour, une psychologue m’a dit qu’elle ne pourrait pas m’aider, que ses outils n’étaient pas adaptés pour moi mais qu’elle pensait à l’autisme. Je suis donc allée voir une psychologue spécialisée qui m’a fait un pré-diagnostic de TSA. Je me suis alors renseignée sur l’autisme et je me suis dit : « Oui, c’est ça ! ». J’avais alors 20 ans. Ça m’a suffi pour me dire « C’est bon, je suis autiste ! ». C’était tellement logique pour moi, je n’avais pas besoin d’attendre un diagnostic officiel. Et, ayant déménagé en Norvège peu après, je ne savais pas trop où me faire diagnostiquer. J’ai donc attendu l’âge de 23 ans pour aller me faire diagnostiquer officiellement. J’ai commencé le diagnostic dans un organisme privé, puis au CEA de Strasbourg.

Comment as-tu réagi à l’annonce du diagnostic ?

Pour moi, c’était 100% positif ! Mais dans ma tête, c’était acté dès que j’ai eu le pré-diagnostic. Cela a été une révélation pour moi : « Ah enfin, ça explique tout ! Qui je suis, comment je fonctionne, de quoi j’ai besoin, pourquoi je ne me sens pas bien, pourquoi c’est dur avec les autres, etc ». Je me disais souvent « on dirait que je suis une humaine mais sans me sentir humaine ». 

J’étais en dépression au moment du pré-diagnostic et comprendre était une nécessité. J’avais besoin d’avoir une explication et quand le mot a été posé, j’étais contente de l’avoir. Cela m’a permis de réfléchir à ce dont j’avais besoin et à comment vivre une vie meilleure. A cette époque, j’avais des connaissances très limitées sur l’autisme mais je n’avais pas de préjugés négatifs pour autant. Un an avant mon-pré diagnostic, j’avais regardé une vidéo d’un YouTubeur, Alistair H. Paradoxae, sur l’autisme car ma sœur préparait une pièce de théâtre et jouait une personne autiste. Cela m’avait parlé en voyant la vidéo mais je ne m’étais pas posée plus de questions que ça.

Pour moi, c’était 100% positif. Cela a été une révélation. Ah, enfin, ça explique tout !
Comprendre était une nécessité.

Quelles démarches as-tu entreprises après avoir eu ton diagnostic ?

Je n’ai pas eu de prises en charge spécifique suite à mon diagnostic. J’ai cherché par moi-même et j’ai rejoint des communautés de personnes autistes. Cela m’a permis de mieux comprendre mes besoins, et de découvrir des ressources comme la mélatonine et l’EMDR. Cela m’a aussi permis de me sentir libre d’être moi-même sans cacher mes traits autistiques. Pour moi, rejoindre des communautés de personnes autistes est essentiel. En effet, les comportements des personnes autistes sont souvent décrits de l’extérieur sans comprendre ce qu’il se passe à l’intérieur des personnes elles-mêmes. Certaines thérapies comportementales vont être traumatisantes pour l’enfant en supprimant des comportements nécessaires à son équilibre. J’ai lu des témoignages où certains intervenants empêchent des enfants de développer leurs intérêts spécifiques, de se balancer, etc., en expliquant aux parents que cela empêcherait leur développement. Pour moi, cela s’apparente à de la maltraitance.

Peux-tu nous parler de ton parcours après le bac ?

Mon parcours a été chaotique. J’ai eu mon bac scientifique à 17 ans, j’avais un an d’avance. Depuis l’âge de 8 ans, je voulais travailler avec les chevaux. J’ai commencé une formation en lien avec les chevaux mais j’ai arrêté au bout de six semaines à peine. C’était une voie professionnelle mais je ne me voyais pas faire des études courtes et travailler rapidement. Je n’étais pas prête, je manquais de confiance en moi. Et en même temps c’était angoissant de ne pas savoir ce que je voulais faire. J’étais en dépression à l’époque. J’ai erré pendant plusieurs années, je suis partie dans plusieurs directions. Je commençais des études mais je me lassais rapidement. Mes parents ont toujours été très soutenants.

Lorsque j’ai commencé mes études d’ergothérapie en Norvège, j’ai trouvé cela passionnant. Au bout de quelques mois, lorsque j’ai constaté que j’étais toujours intéressée, je me suis dit que c’était la bonne voie !

J’ai erré pendant plusieurs années, je suis partie dans plusieurs directions. Je commençais des études mais je me lassais rapidement.
C’était angoissant de ne pas savoir ce que je voulais faire.

Est-ce que la fatigabilité est un sujet chez toi ? Si oui, comment arrives-tu à tout gérer entre les études et le quotidien à assurer ?

Je suis très fatigable. Le plus dur, ce sont les cours à l’université. J’ai fait ma première année en 2 ans à cause d’un burn-out. J’ai été aux urgences après 3 jours de cours ! Les cours m’épuisent : la faculté est très grande et il y beaucoup de monde, les salles résonnent, la climatisation fait du bruit. Nous avons beaucoup de travaux de groupe et c’est ce qu’il y a de plus fatigant pour moi. Une fois j’ai eu 4h je de travaux de groupe, et il m’a fallu une semaine pour m’en remettre.

J’ai mis en place des stratégies pour récupérer de l’énergie lorsque j’ai été trop stimulée. Déjà, je me repose beaucoup chez moi et j’utilise ma couverture lestée et ma veste de compression. Ensuite je fais de l’auto-régulation (ou auto-stimulation) proprioceptive et vestibulaire, par exemple serrer mes bras en me balançant. Je me sens beaucoup mieux si je fais ça régulièrement. Lorsque cela ne marche plus parce que je suis vraiment trop épuisée, cela aide de me forcer à tout faire au ralenti.

Un autre point fatigant pour moi au quotidien, ce sont les tâches ménagères comme les courses.

Quand j’étais en burn-out, dès que je n’étais pas en cours, j’étais allongée dans mon lit. Des fois je ne déjeunais qu’à 17h car je n’avais pas l’énergie de me lever. Aujourd’hui je passe plus de temps assise qu’allongée et je fais plus d’activités au quotidien.

Comment vois-tu les choses pour ton avenir professionnel ?

Au vu de ma fatigabilité, j’étais très inquiète sur mes capacités à travailler. Mon stage m’a beaucoup rassurée. Je me suis rendue compte que le stage me fatiguait beaucoup moins que les cours. D’une part, durant le stage, soit j’étais uniquement avec un patient et ma tutrice, soit j’étais seule dans mon bureau. C’était un environnement plutôt calme. Cela m’a même permis de déjeuner avec les autres sans mon casque à réduction de bruit car j’étais au calme le reste de la journée. A la fac, c’est impossible pour moi.  D’autre part, en Norvège, la journée se termine à 15h30 avec une courte pause déjeuner de trente minutes. Contrairement à la fac, quand la journée de travail est finie, il n’y a plus de travail à la maison. J’avais donc des heures pour me reposer chez moi après ma journée de travail. Et aujourd’hui, je me sens rassurée sur mon avenir et pour la première fois de ma vie, j’ai hâte de travailler !

Au vu de ma fatigabilité, j’étais très inquiète sur mes capacités à travailler. Mon stage m’a beaucoup rassurée.
Aujourd’hui, je me sens rassurée sur mon avenir et pour la première fois de ma vie, j’ai hâte de travailler !

Tu as été 3 ans en burn-out. Comment t’en es-tu sortie ?

Je vais beaucoup mieux mais je reste fragile.

J’ai fait des thérapies EMDR pour sortir de mes traumas. Cela a fortement contribué à diminuer mes poussées d’anxiété. Et en diminuant mon anxiété, cela m’a libéré de l’énergie ! J’ai pu peu à peu reprendre plus d’activité physique, ce qui m’a fait du bien.

Comme beaucoup de filles autistes, j’étais dans le masquage à fond. Depuis mon diagnostic j’essaye de moins masquer car masquer ne me fait pas de bien.

Certains parents se posent la question de faire diagnostiquer ou non leur enfant car ils ont peur de lui coller une étiquette. Par rapport à ton vécu, que conseillerais-tu ?

Les enfants autistes auront forcément une étiquette. Si ce n’est pas l’étiquette « autiste », ils auront celle de « bizarre », « inadapté », « bête »,… Pour moi, il vaut mille fois mieux l’étiquette d’autiste. Au moins l’enfant peut se dire qu’il est normal car d’autres sont comme lui. 

Si j’ai un conseil à donner, c’est de ne surtout pas freiner un diagnostic par peur d’une étiquette. En sachant que la personne est autiste, on va pouvoir améliorer sa vie car on va pouvoir se renseigner, comprendre et connaître ses besoins…

Et les enfants se rendent compte de leurs différences. Avoir un diagnostic leur évitera de se poser des questions pendant des années. J’ai rencontré des personnes adultes qui se sont toujours posé des questions. Lorsqu’elles ont voulu se faire diagnostiquer et en ont parlé avec leurs parents, elles ont découvert qu’elles avaient été diagnostiquées autistes enfants mais que leurs parents ne leur avaient jamais dit. Je ne comprends pas l’intérêt de poser un diagnostic si c’est pour ne pas le dire à l’enfant et ne rien en faire !

En sachant que la personne est autiste, on va pouvoir améliorer sa vie car on va pouvoir se renseigner, comprendre et connaître ses besoins…
Les enfants autistes auront forcément une étiquette. Si ce n’est pas l’étiquette « autiste », ils auront celle de « bizarre », « inadapté », « bête »,…

Quel(s) conseils(s) pourrais-tu donner aux parents ?

Lorsque j’ai eu mon diagnostic, il était important pour moi que mes parents prennent le temps de se renseigner par eux-mêmes sans se contenter de ce que je leur explique. Mais au-delà de se renseigner, il est important d’être à l’écoute de son enfant pour comprendre ses spécificités. Soyez curieux !

Si votre enfant a envie d’être lui-même sans masquer, soutenez-le ! 

A titre personnel, les remarques du type « Mais pourtant tu ne faisais pas ça avant » m’embêtent vraiment et n’apportent rien car c’est soit parce que j’ai évolué (comme tout le monde peut évoluer), soit parce que je masquais avant et je ne le veux plus pour me protéger.

Un autre point qui me semble important si votre enfant est suffisamment âgé est de ne pas annoncer le diagnostic sans son accord, mais de proposer comme une option d’en parler à l’entourage de sa part. J’ai beaucoup apprécié que mes parents proposent d’en parler à ma famille.

Il est important d’être à l’écoute de son enfant pour comprendre ses spécificités. Soyez curieux !

Et pour finir, que conseillerais-tu à un jeune adolescent ou adulte autiste qui cherche à mieux se comprendre et s’épanouir ?

Je lui conseillerais vivement de rejoindre des communautés autistes. Pouvoir échanger avec des personnes qui partagent les mêmes particularités permet de se sentir compris et moins seul. Il existe des Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM), dont certains sont spécialisés dans l’autisme. Si un GEM Autisme existe dans sa région, cela vaut vraiment la peine d’y aller pour voir si cela lui convient. Personnellement, le GEM Autisme de Strasbourg m’a fait énormément de bien : j’ai pu être 100 % moi-même, participer à des activités et bénéficier de la pair-aidance.

Il existe aussi des groupes en ligne, comme Neurchi d’Autisme sur Facebook. Ce groupe est exclusivement réservé aux personnes autistes, quel que soit leur âge, et c’est un véritable espace de partage où j’ai appris énormément de choses.

Côté lecture, je recommande Unmasking Autism du Dr Devon Price. Ce livre, en anglais, s’adresse aux autistes, aux professionnels et aux familles. Il propose une vision très large du masking, basée à la fois sur l’expérience personnelle de l’auteur, son métier et la recherche scientifique. D’une manière générale, je pense qu’il est essentiel de privilégier des livres écrits par des personnes autistes, car ce sont elles qui peuvent le mieux exprimer ce que nous vivons au quotidien.

Il est essentiel de privilégier des livres écrits par des personnes autistes, car ce sont elles qui peuvent le mieux exprimer ce que nous vivons au quotidien.

Un grand merci à Sidonie pour sa confiance et pour avoir accepté de nous partager son parcours avec une grande sincérité.

Ce témoignage est publié avec l’accord de Sidonie. Son utilisation à des fins autres que la sensibilisation à l’autisme n’est pas autorisée.

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